L’étude de l’existant a permis d’identifier 9 formats pour 13 collections, preuve du développement successif des collections au fil des ans.
Alors que l’ensemble des livres sont fabriqués de la même manière ou sur des machines similaires, nous pouvons nous questionner sur la pertinence de ces multiples formats.
Sont-ils le fruit du hasard, issus de contraintes techniques antérieures qui n’ont plus raison d’être ou d’options de départ intuitives qui pourraient être aujourd’hui requestionnées ?
Nous proposons donc de mener premièrement une étude technique afin de comprendre les contraintes “machine” (outillage) en regard des formats “papier” (matières premières) afin de vérifier l’optimisation des coûts de production (optimisation des formats des ouvrages par rapport aux formats des papiers et des formats des presses utilisées).
Fort de cette analyse, nous regardons chaque collection et leurs correspondances/divergences (propos, contenus, modalités de lecture) pour déterminer une logique permettant de réduire le nombre de formats et de gagner simultanément en confort de lecture et en coût de production.
Hypothèse 1 : trouver le dénominateur commun entre tous les formats et proposer de réduire à 3 formats: format “Poche”, format “Étude” et format “Étendu”.
L’étude montre également que la compréhension de l’organisation même des ouvrages entre eux n’est pas évidente. En effet, les domaines dans lesquels les collections s’inscrivent ainsi que les intitulés des collections eux-mêmes ne sont pas — ou pas immédiatement (sur le plat de couverture) — énoncés.
Hypothèse 2 : différencier les livres des revues et rendre “lisible” l’organisation des ouvrages par la mise en place d’un système d’identification efficace :
– 1. Éditeur ;
– 2. Domaine ;
– 3. Collection.
L’observation de quelques exemples emblématiques a permis de démontrer le bénéfice de cette démarche : collection “idées” par Gallimard, le principe de collections mis en place par le Club français du livre pour n’en citer que deux.
Nous proposons d’adopter
une démarche analytique
et quasi scientifique
pour conduire les choix
typographiques entre autres
(encombrement,
confort de lecture,
qualité de reproduction, etc.),
gageant que,
de cette approche,
résulteront des qualités esthétiques
particulières.
Parmi les ouvrages confiés pour l’étude, il est aisé de déceler des collections plus anciennes que d’autres et des ouvrages particulièrement récents.
S’il est difficile, voire illusoire, de concevoir un ouvrage qui ne serait pas inscrit dans son temps, il paraît important d’accorder aux aspects fonctionnels du livre (organisation, repérage, composition, lecture) la première place et d’inscrire les choix graphiques (pour la composition des couvertures entre autres) dans la durée, puisqu’un livre s’inscrit nécessairement dans un temps qui le dépasse largement.
Hypothèse 3 : Viser le temps long plutôt qu’une identité “remarquable” qui se dépréciera nécessairement.
Un travail de design éditorial “par l’intérieur”.
L’observation des ouvrages met également en évidence qu’une volonté d’harmonisation a conduit à faire évoluer les couvertures de plusieurs collections; par l’emploi d’un même caractère. Mais ce travail de “lissage” extérieur n’a pas été poursuivi à l’intérieur et, très souvent, dès la page de faux-titre, le lecteur comprend que l’habit extérieur du livre qu’il a entre les mains “dissimule” une composition plus ancienne.
Il y a — consciemment ou non — une déception et une incompréhension quant à cette évolution “de façade” uniquement.
Couverture et pages intérieures
Pour reprendre les propos de Jan Tschichold à propos du livre et de la typographie (Tschichold, Jan, Livre et typographie, Paris, 2011, Allia), il nous semble indispensable de considérer la couverture comme annonciatrice du travail attentif que le designer déploie dès les pages de titre d’un ouvrage pour la composition du texte et des images.
À l’instar du cinéma, une bande-annonce qui serait trop prometteuse décevra certainement celui qui aura payé sa place pour découvrir finalement que les meilleurs moments du film étaient tous présents dans la séquence de deux minutes à peine!
Nous proposons par conséquent d’aborder ce travail de design éditorial “par l’intérieur” et par ce qui “fait” un livre et en assure son “bon fonctionnement”, à savoir la composition du texte (marges, choix du caractère, réglages corps/interlignage, niveaux de lectures), le rapport du texte et de l’iconographie (images, tableaux, etc.).
De ce travail, découleront des principes structurels et formels qui pourront permettre de développer des principes de couvertures en cohérence, même si celles-ci devront également intégrer des principes de collections donc de différentiation.
Iconographie?
La présence d’une image est-elle indispensable ? Certaines collections intègrent une image en première de couverture, d’autres sont seulement typographiques et se différencient par une couleur de fond ou l’usage d’un motif.
Si, au stade de l’étude, il est hasardeux d’affirmer que la présence d’une image est superflue, nous pouvons néanmoins dire qu’elle ne doit pas être une contrainte ou aboutir à un choix “par défaut” et n’être qu’illustrative. De la même manière, la différentiation de collections par le déploiement de signes graphiques distinctifs nécessiterait de développer une réflexion suffisamment ample pour permettre un usage sur le long terme sans risque de redondance ou d’épuisement.
La discussion autour d’exemples existants permet à nouveau de mieux cerner les possibles : collection “Point” dessinée par Pierre faucheux, collection “Reklam” des Éditions Zuhrkampf et les Éditions Zulma.
Composition des textes
Sur les vingt et un ouvrages observés, l’étude montre une profusion de caractères typographiques pour la composition des textes et les différents niveaux de titre. Certains semblent issus de compositions anciennes, d’autres s’avèrent être bien moins judicieux que ceux visiblement attentivement choisis.
Se pose naturellement la question de la pertinence de cette grande variété typographique. A-t-elle une raison d’être ? N’est-elle pas source de travail et de réglages superflus ?
Des résultats aléatoires
Chaque collection utilise un caractère spécifique. Pourtant les critères qui ont pu influencer leur choix sont pour ainsi dire les mêmes: confort de lecture, compacité, reproductibilité.
Néanmoins, nous pouvons remarquer de fortes disparités entre les résultats et des objectifs plus ou moins atteints. Certains gris typographiques semblent en effet trop clairs à cause du caractère lui-même et de la technique d’impression (laser a priori) sur un papier offset. De fait, le confort de lecture n’est pas toujours optimal, voire parfois trop peu satisfaisant.
Ce point est crucial et demande à être traité en priorité. Il sera l’occasion de considérer simultanément la question de l’encombrement, donc du nombre de pages. Il y a — peut-être — ici un paramètre d’économie substantiel.
Hypothèse 4 : un système typographique commun
Si chaque collection a ses caractéristiques propres et l’envie — compréhensible — d’affirmer une identité, il apparaît nécessaire d’adopter une démarche permettant d’optimiser la composition et d’assurer simultanément une plus grande qualité typographique, par un temps de recherche, de maquettes et de tests nécessaires, au service du lecteur.
Réinventer
sur la base d’un existant
pour assurer une continuité.
Le choix d’un format basé sur un rapport 2/3 est fait pour des raisons esthétiques et de prise en main. Ses dimensions sont multiples d'un module élémentaire de 4,3 mm qui correspond à l’interlignage du texte principal.
Une attention particulière est portée sur la définition du bloc d’empagement permettant tout à la fois de gagner quelques millimètres pour la marge intérieure — afin de gagner en confort de lecture sachant que les ouvrages sont reliés en “dos carré collé” — et néanmoins être plus large pour gagner quelques signes par ligne et deux lignes supplémentaires.
Unité et variété
Paratexte
Sur un même format et un bloc d’empâtement identique, chaque collection peut être caractérisée par un positionnement particulier des folios et titres courants. Les possibilités sont nombreuses.
Hypothèse 5 : continuité et variation
Extension
Extension à deux autres formats
Le système éditorial prend en compte la nécessité de définir deux autres formats: “Poche” et "Étendu”.
Leur définition ainsi que le positionnement des blocs d’empagement se basent sur la même grille modulaire de manière à ce que les réglages typographiques soient rigoureusement identiques au format “Étude” initial.
Maintenant,
penser la typographie.
L’objectif premier du designer est de rendre le contenu accessible. La recherche de lisibilité conduit son travail et ses choix. La gestion des contenus et leur organisation visuelle est essentielle.
Pour répondre aux besoins des Éditions de l’ENS, le choix de deux caractères s’avère indispensable : un caractère de labeur pour la composition es textes et un caractère d’accompagnement pour la composition des titres et des notes de bas de page.
Puisque les collections traitent de sujets variés, les polices de caractères doivent pouvoir répondre, parfois, à des besoins spécifiques (caractères étrangers, signes mathématiques spécifiques, etc.) Pour ce faire, Bureau 205 a proposé d’utiliser deux caractères distribués par la fonderie typographique 205TF et de collaborer au long cours avec leurs créateurs — Matthieu Cortat et Damien Gautier — afin de pouvoir augmenter ces polices en fonction des besoins qui se feraient jour.
Depuis la mise en place du dispositif, plusieurs ajouts ont d’ores et déjà été faits :
– caractères grecs ;
– caractères hébreux ;
– caractères nécessaires à la translitération de la langue arabe ;
– caractères utiles pour la composition de la langue vietnamienne ;
– caractères phonétiques (IPA).
Caractère de labeur
Un caractère typographique choisi pour:
– son “identité”:
un caractère dessiné pour l’usage particulier de la lecture
– son caractère variable (variable font) :
pour permettre des variations de gris typographiques et s’adapter aux contraintes d’impression.
Caractère d’accompagnement
Un caractère re typographique choisi pour:
– sa neutralité :
– son caractère intemporel:
– sa clarté:
une lisibilité accrue en petits corps (notes de bas de page)
– sa discrète personnalité perceptible en grand corps.
Un soin du détail typographique tout particulier.
De l’intérieur vers l’extérieur.
Sur la base du dispositif graphique et typographique mis en place pour la composition des pages intérieures, la recherche d’un principe de couvertures permettant à la fois d’associer et de distinguer toutes les collections peut s’amorcer.
Le dispositif permet d’envisager un nombre considérable de variations autour de la grille mise en place. Les filets se positionnent à l'envi et définissent des formes particulières immédiatement reconnaissables. Les éléments textuels de la couverture, toujours composés de manière identique, s’organisent en fonction des filets.
Trois fois plus de possibilités encore…
Le principe envisagé permet de multiplier encore les variations en considérant trois épaisseurs de filets :
– Filets fins (1 point) ;
– Filets maigres (4,3 mm) ;
– Filets gras (8,6 mm).
La couleur comme élément distinctif.
L’usage de la couleur, en appui du dispositif graphique, est un élément supplémentaire pour caractériser chaque collection : monochromie, bichromie ; couleur constante pour une collection ou, à l’inverse, gamme de couleurs prédéfinie, etc.
La définition d’une gamme de couleurspécifique est ici utile pour permettre de développer un ensemble riche et subtilement cohérent.
Application des principes
à l’ensemble des collections.
En ayant le souci de l’existant, Bureau 205 a proposé, pour chaque collection, des maquettes de principe basées sur les principes mis en place.
Mise en place et développement.
Par une approche raisonnée et précise, Bureau 205 est ainsi parvenu à développer un système éditorial de grande ampleur et extensible au fur et à mesure de la création de nouvelles collections.
À partir de 2022, Bureau 205 finalise chaque collection lorsqu’un nouvel ouvrage paraît. À partir de gabarits et de consignes claires, la réalisation des ouvrages est effectuée par les Éditions de l’ENS.